Back to
Communiqués de presse
Publié le
Mercredi 04 Octobre 2017
Institué par la loi de finances rectificative pour 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) est entré en vigueur le 1er janvier 2013. Parallèlement, un comité chargé de son suivi et de son évaluation a été mis en place à France Stratégie, regroupant parlementaires, partenaires sociaux, administrations et experts. Le comité remet ce 3 octobre 2017 son cinquième rapport annuel .
Rapport 2017 du comité de suivi du Crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi

Avis du comité

Après examen et discussion des travaux disponibles, le comité identifie une première série de résultats qui lui paraissent significatifs.

  • Le comité considère comme avéré le fait que le CICE s’est en partie diffusé dans l’ensemble du système productif, le long de chaînes de valeur dès le début de la mise en place du dispositif, en 2013 et 2014. Les entreprises les plus bénéficiaires ont transmis une partie de leur CICE à leurs entreprises clientes ou donneuses d’ordre, en réduisant ou en limitant la hausse des prix des biens et services qu’elles leur vendent. Cette transmission du CICE par les prix, qui a concerné plus spécifiquement certains secteurs d’activité, est de nature à affecter les résultats des travaux d’évaluation microéconométriques menés, car ces derniers ne visent à capter que les effets du CICE directement perçu par les entreprises.
  • Le comité note que le CICE a conduit à une amélioration des marges des entreprises, mais cet effet n’est que partiellement identifiable avec les méthodes microéconométriques employées.
  • Le comité tient pour robustes les résultats des équipes de recherche qui concluent à l’absence d’impact de court terme du CICE, c’est-à-dire en 2013 et 2014, sur l’investissement, la recherche et développement et les exportations. Cette absence d’effet à court terme n’est pas surprenante, si l’on considère que les décisions d’investissement présupposent l’accroissement effectif des marges et qu’elles peuvent nécessiter du temps pour être mises en œuvre.

Il constate que cette absence d’impact semble perdurer en 2015, mais s’interroge sur la capacité des méthodes employées à ce jour pour capter de tels impacts, en particulier sur l’investissement, à moyen terme.

  • Le comité constate que la prise en compte de l’année 2015 dans les travaux d’évaluation ne lève pas toutes les incertitudes entourant l’effet du CICE sur l’emploi. Un effet positif mais modéré, concentré sur les entreprises les plus exposées au CICE, lui paraît le plus vraisemblable, de l’ordre de 100 000 emplois sauvegardés ou créés sur la période 2013-2015 (mais dans une fourchette large, allant de 10 000 à 200 000 emplois). Le comité privilégie en cela la méthodologie retenue par l’équipe TEPP, renforcée depuis par des estimations complémentaires. En revanche, le volume d’emplois sauvegardés sur la période grâce à l’effet du préfinancement sur les défaillances d’entreprise se révèle modeste (moins de 3 000 emplois sauvegardés, uniquement sur 2013), et moindre qu’envisagé par le comité dans son rapport de l’an passé.

Sur un certain nombre d’autres points, le comité estime que les résultats disponibles ne permettent pas de trancher ou demeurent relativement fragiles :

  • Le comité constate ainsi qu’une forte incertitude demeure quant à la décomposition de l’effet du CICE sur l’emploi par niveaux de qualification.
  • Il relève que les effets du CICE sur les salaires demeurent difficiles à déceler. À la lumière des données de 2015, deux résultats semblent émerger mais méritent de faire l’objet d’un réexamen dans la durée. D’une part, le CICE aurait plutôt joué positivement sur les salaires des cadres et professions intellectuelles supérieures. D’autre part, la dynamique des salaires sur les trois premières années d’implémentation du CICE ne semble pas avoir été spécifiquement affectée par le seuil de 2,5 Smic à partir duquel un salarié ne bénéficie plus de la mesure. Plus précisément, on n’observe pas de ralentissement des salaires spécifiquement au voisinage de ce point, que ce soit pour les salariés en place ou pour les nouveaux recrutements.
  • Enfin, le comité note qu’en l’état les estimations relatives à l’effet du CICE sur les dividendes sont extrêmement fragiles en raison des données utilisées et ne permettent pas de conclure.

De façon générale, l’ensemble des travaux quantitatifs et qualitatifs menés depuis 2014 font apparaître une très grande diversité de comportements économiques des entreprises face au CICE. L’identification d’un effet global, résultant de cette diversité, n’en est rendue que plus difficile.

 

Approfondissements demandés

Le comité souhaite que des efforts d’approfondissement soient réalisés dans plusieurs directions.

  • Éclairer les dynamiques d’emploi et de salaire par catégorie socioprofessionnelle et en donner une lecture économique cohérente.
  • Examiner en détail les mesures du Pacte de responsabilité et de solidarité intervenues depuis 2015 (notamment les baisses de cotisation famille) pour savoir si les entreprises qui en ont le plus bénéficié sont ou non celles qui bénéficient fortement du CICE.
  • Mieux spécifier et mesurer l’effet du CICE sur l’investissement à moyen terme et sur les dividendes.

Prenant acte de la très grande hétérogénéité des comportements face au CICE et des limites des approches microéconométriques appliquées à ce type de mesure, le comité invite à poursuivre les travaux de façon générale dans deux directions :

  • une approche privilégiant la mise en évidence d’une typologie d’entreprises selon la façon dont elles ont fait usage du CICE ;
  • une approche plus macroéconomique des effets ex post du CICE, incluant les interdépendances sectorielles et les effets de bouclage macroéconomique, y compris ceux induits par le financement de cette mesure.

Par ailleurs, le comité juge nécessaire d’engager une réflexion sur la comparaison des effets sur l’emploi du CICE et des allègements généraux de cotisations employeur sur les bas salaires – notamment ceux instaurés dans les années 1990[1]. Leur contexte de mise en place et leur ampleur budgétaire diffèrent, de même que leur nature : le CICE n’est en pratique pas totalement assimilable à une simple baisse de coût du travail ciblée sur le bas de la distribution des salaires et a des objectifs plus divers. La façon d’implémenter une réduction du coût du travail semble donc jouer sur les effets obtenus, si bien que le basculement du CICE vers une baisse de cotisations sociales, quand bien même celle-ci serait calculée à l’identique, n’aurait peut-être pas les mêmes effets sur l’emploi.

Enfin, des travaux qualitatifs pourraient être renouvelés pour apprécier, avec plus de recul, comment le CICE a été concrètement appréhendé dans les entreprises.

 


([1]) Voir sur le sujet France Stratégie (2017), Les exonérations générales de cotisations, rapport du Comité de suivi des aides publiques aux entreprises et des engagements (Cosape), juillet.